1976 : Quand Morrissey allumait gentiment les Sex Pistols dans une lettre au NME

Une âme bien intentionnée a remis en ligne cette petite brève historique tirée du courrier des lecteurs d’un numéro du New Musical Express (NME) de juin 1976, dégoisant (presque tendrement) sur le premier concert des Sex Pistols à Manchester. L’auteur de ce courrier, bien tourné, et clairement ironique, n’était autre que le jeune Stephen Patrick Morrissey, alors président du fan club britannique des New York Dolls et futur taulier des Smiths. Marrant.
Avant d’être vraiment Morrissey, le frontman ultime, bête de scène et leader charismatique du 2ème groupe anglais le plus indispensable de tous les temps (après les Beatles), on sait que le jeune Stephen Patrick Morrissey croupissait la plupart du temps dans sa chambre à inonder la presse musicale de ses missives, à s’entretenir en lettres capitales avec des correspondants névrosés, et à écrire des essais plus ou moins inspirés sur James Dean, les vieilles stars hollywoodiennes ou encore les New York Dolls. Le Morrissey d’alors, pas si différent du Morrissey qui viendrait, se caractérisait déjà par sa maîtrise du tongue in cheek, de l’ironie et de l’humour à double détente et nous en avons une très belle illustration ici.
Dans ce courrier d’un jeune homme de 17 ans, l’apprenti pop star confirme une chose que tout le monde sait maintenant : il était bien présent au premier concert des Sex Pistols au Manchester’s Lesser Free Trade Hall, en compagnie (anonyme alors) de Mark E. Smith (The Fall), Paul Morley (journaliste NME), de membres des futurs Buzzcocks et de Joy Division. Ce premier concert, et un second qui suivit six semaines plus tard, allaient à eux seuls modifier à jamais la face du rock anglais.
Les New York Dolls, idoles de Morrissey
De ce premier concert devenu mythique et l’objet d’un livre magnifique de David Nolan, Morrissey retient que les Sex Pistols sont très mal sapés et ont tout piqué ou presque (ce qui n’est pas faux au demeurant) à ses propres idoles punk américaines que sont Iggy Pop et surtout les magnifiques New York Dolls deDavid Johansen et Johnny Thunders (plus tard avec les HeartBreakers). Pour le Morrissey de l’époque, le mouvement anglais et les Sex Pistols (dont il moque l'apparence : "J'espère que les Sex Pistols vont réussir. Peut-être qu'ils pourront enfin s'offrir des fringues qui ne donneraient pas l’impression qu’ils ont dormi dedans") s’apparente alors à une version étriquée, à retardement et dégradée du mouvement punk américain. Cela ne l’empêchera pas par la suite (d’autres courriers, d’autres déclarations) de revaloriser la valeur des Sex Pistols et de les tenir en haute estime pour l’ensemble de leur œuvre. On s’étonne d’ailleurs, s’agissant de personnages qui avaient quelques points communs, de n’avoir jamais noté d’interactions publiques entre Morrissey et John Lydon (Le Pourri) qui sont sans nul doute les 2 figures contestataires les plus spectaculaires de la scène rock anglaise.
Pour ceux qui ne lisent pas l’anglais, on sourira aussi devant cette description du succès du concert : "les Pistols rappelés deux fois par les rares spectateurs ayant pu profiter de leur musique discordante et de leurs paroles audacieuses mais quasiment inaudibles". Dans le livre de Nolan, on apprend que s’il y avait effectivement 30 personnes présentes, plusieurs milliers de gens prétendent aujourd’hui avoir été là. "Fame, fame, fatal fame. It can play hideous tricks on the brain", comme le chanteront plus tard les Smiths sur "Frankly, Mr. Shankly".

Les Sex Pistols en concert quelques mois avant Manchester, filmés par Derek Jarman, futur réalisateur de clips des Smiths
Aujorud'hui, Morrissey est retourné à Los Angeles pour se faire soigner d’une intoxication alimentaire l’ayant contraint à annuler et reprogrammer une grande partie de sa tournée sud-américaine de cet été. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

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