On a enfin quelques nouvelles de Max B, l'ex-next best thing de la Grosse Pomme, en train de purger une peine de prison de 75 ans. Retour sur un des plus gros gâchis du rap de ces dernières années.
Quand on parle de rap, les carrières avortées sont légions, tout comme les éléments prometteurs qui ne concrétisent jamais et finissent par ne plus intéresser personne. Mais si on le compare à un
Saigon par exemple, le cas de Max B est très différent, et surtout plus tragique.
Un style reconnaissable
De son vrai nom Charles Wingate, ce fier représentant de Harlem fait ses premiers pas vers 2005, après avoir été incarcéré 7 ans pour vol. C'est via le collectif des Dipset, d'abord
Cam'ron puis
Jim Jones, qu'il commence à se faire connaître. De plus en plus présent en tant qu'invité sur les morceaux, il participe à de nombreux shows, se fait un nom et semble décidé à devenir une star. Productif, il enchaîne les mixtapes rapidement. Le style Biggaveli (surnom qui fusionne Biggie pour
Notorious B.I.G, Jigga pour
Jay-Z et Makaveli pour
2Pac) fait la différence : doté d'une voix planante reconnaissable entre mille, sa science du gimmick et du refrain fait des merveilles. Sa combinaison décomplexée rap/chant (pas aussi courante à l'époque qu'aujourd'hui) avec des paroles crues, retient l'attention. "
On aurait pu être le nouveau G-Unit", songe-t-il. Proche des grosses têtes de Harlem, il a une touche musicale bien à lui, n'hésitant pas à ramener des sonorités inhabituelles pour du rap new yorkais, qui peuvent rappeler le style sudiste ou californien, mais sans être une pâle copie. On ne peut pas dire qu'il innove niveau fond (et on s'en fout un peu, sa musique reste efficace) mais de l'avis de tous, Max B est promis à une bel avenir.
Une carrière mort-née
Le premier obstacle vient de Jim Jones lui-même : Max s'estime lésé avec un grand B au niveau financier et c'est de là que démarre un conflit entre les deux hommes. Le ressentiment est fort mais jusque là rien d'exceptionnel, et cela n'empêche pas le rappeur de poursuivre son travail de son côté. Sauf que selon ses dires, des années plus tard, c'est cette situation frustrante qui lui a fait perdre de vue ses objectifs artistiques : "c'est ça qui m'a détourné, qui m'a ramené là où je ne devais pas être". En gros, Wingate se laisse aller, et un beau jour, le pire arrive, il est condamné pour meurtre.
Dans les faits, il n'a tué personne, on l'accuse d'avoir envoyé ses proches Kelvin Leerdam et Gina Conway dépouiller deux individus d'une grosse somme d'argent, et au cours de l'opération un coup part, tuant l'une des victimes. Le témoignage de Gina accable le rappeur, et par une des merveilles de la loi américaine, son absence totale de la scène du crime n'a pratiquement aucune incidence sur sa condamnation. Y compris lorsque Gina reconnaît plus tard avoir bien exagéré dans ses déclarations. Finalement Max écope de 75 ans qu'il commence à purger fin 2009, avec possibilité de demander une libération sur parole en 2042, pour ses 64 ans. C'est le choc.
Et maintenant ?
Si l'on compte les années où Max a été actif dans la musique, le bilan est déprimant : il aura tenu à peine plus de 2 ans, et la majeure partie de son œuvre se résume à des
mixtapes, de qualité mais
gratuites. Ayant cédé les droits de ses morceaux pour payer une première fois sa caution, il n'en bénéficiera plus jamais. Seul un deal avec le label Amalgam Digital en 2010 lui permet de sortir l'album
Vigilante Season, mais niveau promo, la prison a tendance à
limiter les choses. Il ne s'agit pas de dire que c'est un ange ou qu'il est seul à subir ce genre de sévérité du système pénal. Il est simplement regrettable qu'un artiste qui aurait pu apporter sa pierre à l'édifice soit jeté dans l'oubli. En peu de temps, le rappeur en a influencé d'autres comme
A$ap Rocky ou même le français
Joke, sans parler de l'expression "wavy" popularisée par Wingate.
French Montana a commencé à se faire connaître grâce à lui. Aujourd'hui gros vendeur avec son album studio
Excuse my french, celui-ci place un "
free Max B !" dès qu'il en a l'occasion. D'autres qui ne le connaissent pas personnellement (Drake, Curren$y...) reprennent le slogan, jusqu'au mastodonte Jay Z qui lui rend hommage au détour d'une rime sur
3 Kings. C'est symboliquement assez fort car Max B avait fait le refrain de "You Gotta love it, un clash contre le rappeur de Brooklyn. Tous ces gestes ne sont pas forcément sincères, mais cela donne une idée du vide laissé par le rappeur : tout le monde n'a pas droit à autant d'attention derrière les barreaux, surtout avec 0 disque d'or à son actif. Pour Roc Marciano, "
il est comme Drake, mais avec un côté street […] son style va bien au-delà de New York", comprenez : il aurait pu combiner gangsta rap et succès commercial.
Blasé mais pas abattu, Max B dit avoir "encore des options pour tenter de s'en sortir" malgré le rejet de son 1er appel. L'envers du décor lui laisse un goût amer : "C'est juste triste, mec […] on me tient responsable d'un truc avec lequel je n'ai pratiquement rien à voir […] je ne peux pas revenir en arrière. C'est complètement fou cet enchaînement d'événements. Je dois continuer à y croire. Je suis là, mes yeux grands ouverts, mon cerveau fonctionne. Ça pourrait être pire."
Ce sont surtout ses enfants qui le préoccupent, et il reconnaît volontiers ses erreurs de parcours : "Je leur dirais juste : ne faites pas comme moi […] ils peuvent utiliser ma vie comme un brouillon, pour voir ce qu'il ne faut pas faire et réussir la leur […] si je sors je ferai en sorte d'être simplement Charly pendant un moment, et pas Max B, au moins pour être avec eux."
Voir (
ici) le portrait et l'interview de Max B sur le site Complex.